Le nouveau coronavirus, appelé COVID-19, a créé une urgence sanitaire mondiale sans précédent. Plusieurs pays africains ont pris diverses mesures pour prévenir la propagation du coronavirus et atténuer son impact sur les moyens de subsistance et leurs économies en général. Au point culminant de la pandémie, des pays tels que le Rwanda et l’Ouganda, et l’Afrique du Sud ont connu un confinement national. D’autres comme le Bénin, le Ghana, le Kenya, la RDC, la Côte d’Ivoire et le Nigeria ont imposé un confinement partiel dans des zones ciblées. En revanche, la Tanzanie, la Zambie et le Mozambique n’ont pas imposé de mesures de confinement. Dans l’ensemble, l’impact de ces mesures a été mitigé. Des pays comme le Kenya et l’Afrique du Sud ont connu des poussées de violence, tandis que d’autres comme le Nigeria et le Kenya ont dû alléger ces mesures en raison des difficultés auxquelles font face les populations vulnérables et pauvres. En effet, de nombreux pays en Afrique subsaharienne ont éprouvé des difficultés à trouver un bon équilibre entre l’atténuation de l’impact économique de la riposte au COVID-19 et les pertes potentielles en vies humaines.
Quel est le bilan en Afrique subsaharienne ? Qu’est-ce qui a marché et qu’est-ce qui manque ? Comment pouvons-nous aller de l’avant alors que nous sommes de plus en plus conscients de l’inévitable – un avenir avec beaucoup plus de pandémies ? C’est dans ce cadre que le SPARC a fait un effort pour synthétiser les enseignements des pays subsahariens sur comment ils ont fait face au COVID-19. A ce titre, nous mettons en lumière les interventions positives qui ont été expérimentées dans les différentes interventions nationales afin de proposer des recommandations aux autres pays africains pour qu’ils puissent renforcer leurs systèmes de santé, en particulier dans le domaine de la résilience et de la réceptivité des systèmes de santé. Les enseignements tirés portent sur des aspects tels que le financement et les investissements dans le secteur de la santé, les partenariats, les systèmes de paiement, la disponibilité et l’utilisation des données, la gouvernance et la redevabilité.
En raison de la crise économique croissante provoquée par la pandémie, le financement du COVID-19 et du secteur de la santé reste un objectif prioritaire pour chaque pays. En effet, de nombreux gouvernements reconnaissent que le COVID-19 est une crise sanitaire qui doit être résolue en accroissant les dépenses de santé, et pourtant ces derniers sont confrontés à des compromis par rapport à la réaffectation des ressources actuellement disponibles. En avril 2001, les pays africains se sont engagés à se fixer comme objectif d’allouer au moins 15 % de leur budget annuel à l’amélioration du secteur de la santé. Dix-neuf (19) ans plus tard, seuls quelques pays africains ont mis en œuvre cette déclaration d’Abuja. Bien que de multiples sources de financement aient été explorées, la dépendance à l’égard du financement des bailleurs de fonds pour renforcer et soutenir la lutte contre le coronavirus est évidente dans de nombreux pays africains. Par exemple, au début de la pandémie, le Ghana a bénéficié d’une facilité financière du COVID-19 de 100 millions de dollars de la Banque mondiale, dans le cadre de son plan de relance de 14 milliards de dollars pour les pays en voie de développement.2
Au fur et à mesure que les pays reçoivent des fonds de multiples sources, une coordination efficace de la riposte au COVID-19 reste essentielle pour le succès des interventions. La plupart des pays ont des responsabilités de surveillance clairement définies, des fonctions institutionnelles bien définies, des réponses réglementaires, des incitations pour les professionnels de la santé et des politiques de traitement et de prévention qui ont pour la plupart servi de modèle aux avis et directives de l’OMS pour la pandémie.3 Les réponses nationales ont été principalement supervisées par la présidence en utilisant toute l’approche gouvernementale caractérisée par le partage des informations publiques. Certains pays ont mis en place des mesures d’incitation pour les professionnels de la santé et ont réglementé la circulation et la distanciation sociale. Par exemple, au Rwanda, la coordination des bailleurs de fonds a été efficace grâce à la confiance existante, aux mécanismes de redevabilité et aux relations et réglementations solides entre les bailleurs de fonds et le gouvernement. En revanche, les mécanismes de coordination dans d’autres pays n’ont pas été aussi efficaces.
Le manque de coordination constaté dans certains pays a créé des systèmes parallèles avec des foyers d’activités qui sont fragmentés entre différents secteurs et agences. Outre l’achat de biens et de services essentiels, les incertitudes liées à l’évolution de la situation du COVID-19 sont devenues un défi pour les marchés publics et la chaîne d’approvisionnement. Les marchés publics étant en première ligne des réponses apportées par les pays à la crise, il est nécessaire de renforcer la coordination. Même si une approche centralisée et coordonnée a été adoptée, les mécanismes de la chaîne d’approvisionnement visant à garantir que les structures de niveau inférieur soient approvisionnées de manière adéquate n’ont pas été aussi efficaces.
Au fur et à mesure que les gouvernements s’efforcent d’apporter une solution, l’un des principaux enseignements est le rôle potentiel du secteur privé, non seulement pour stimuler les services, mais aussi pour mobiliser les ressources nécessaires à la riposte. Avant cette pandémie, le rôle du secteur privé dans le domaine de la santé se limitait à la prestation de services, et de nombreux pays ont dû faire des efforts pour former des partenariats qui apporteraient des financements privés. Les gouvernements ont été contraints de créer des plateformes où les entités du secteur privé fournissent à la fois des financements et des technologies innovantes pour soutenir la riposte au COVID-19. Au Ghana, la vision et le dynamisme du fonds ghanéen du secteur privé dédié au COVID-19 ont conduit à la construction du premier centre de traitement des maladies infectieuses du Ghana à Accra. Au Nigeria, des efforts sont déployés pour institutionnaliser la coalition actuelle du secteur privé afin de renforcer le système de santé et de soutenir les systèmes de prestation de soins de santé primaires. La crise actuelle offre des possibilités considérables d’innovation qui ont mené au renforcement des services de santé numériques, de la santé en ligne et de la télésanté, dont la plupart sont financés par le secteur privé. Associer le secteur privé et inclure les prestataires privés dans un processus équitable et transparent semble être le moyen le plus rapide de renforcer les capacités et l’innovation nécessaires.
Face à la pandémie, les pays sont de plus en plus conscients de la nécessité de prendre le contrôle des accords d’achat. L’achat stratégique de produits et de services dans le cadre du COVID-19 est un objectif général. Plus précisément, les principaux organismes qui dirigent la mise en œuvre de la riposte au COVID-19 dans bon nombre des pays étudiés ont été encouragés à veiller à ce que les transferts de fonds du COVID-19 soient liés aux résultats optimaux afin de renforcer la fonction d’achat stratégique dans tous les aspects de la reprise. Néanmoins, il y a eu des défis tels que la pénurie d’EPI pour les professionnels de la santé, la non-disponibilité de médicaments essentiels pour la gestion des cas, le manque des unités de soins intensifs (USI) et l’insuffisance des ressources humaines.
De nouvelles structures d’achat ont fait leur apparition, fonctionnant parfois en parallèle avec les mécanismes d’achat existants. La priorité a été accordée, dans beaucoup de pays, aux tests et aux soins du COVID-19 gratuits. Toutefois, il y a eu quelques cas d’achats non coordonnés où des services payés par les budgets gouvernementaux étaient également remboursés par les assurances. Ainsi, le Kenya et le Ghana ont présenté quelques bons exemples d’achats coordonnés où les services du COVID-19, remboursés par leurs caisses d’assurance maladie nationales respectives, ont été clarifiés après quelques incertitudes au début. Par conséquent, une riposte idéale à une pandémie devrait avoir des fonctions d’achat bien coordonnées qui garantissent que les services prioritaires sont mis à la disposition de la population en utilisant des méthodes de contractualisation bien définies dont les performances peuvent être suivies.
La pandémie a non seulement montré la nécessité de faire preuve de souplesse dans l’allocation des ressources, mais a également suscité des inquiétudes quant à la redevabilité. De nombreux pays ont constaté qu’ils pouvaient encore intégrer certains éléments de leurs processus habituels de gestion des finances publiques (GFP) dans la gestion des fonds du COVID-19. En général, cela consiste à gérer les décaissements et les principales transactions à l’aide des mécanismes habituels de gestion des finances publiques et des achats tout en utilisant des accords bancaires différents. Au Ghana, par exemple, les fonds privés sont perçus à travers des comptes bancaires distincts, mais sont transférés au programme national de lutte contre les coronavirus, qui est géré par le Trésor public.
Par ailleurs, les pratiques d’achat basées sur les données sont essentielles dans cette crise mondiale. La gestion des données et de la communication est considérée comme un élément clé de l’achat stratégique. Compte tenu des ressources limitées, l’un des principaux enseignements est que les pays qui s’appuient sur les flux d’informations et de données pour acheter des biens et des services sont en mesure de dépenser plus efficacement tout en garantissant l’optimisation des ressources. La pandémie du COVID-19 a de nouveau souligné ce besoin. Il semble que l’intégration des sources de données pendant et après le COVID-19 soit de nouveau privilégiée. Cela nécessite également d’améliorer l’interopérabilité des systèmes de données et de renforcer la capacité des prestataires à interpréter leurs données pour éclairer la prestation des services.
L’un des aspects signalés dans l’évaluation des mesures prises par les pays est l’éviction des services essentiels. Les preuves montrent que des progrès adéquats n’ont pas encore été réalisés pour assurer la continuité des services essentiels durant cette pandémie. Le domaine qui a été le plus touché est la vaccination des enfants, dont l’Organisation mondiale de la santé estime qu’elle touchera environ 80 millions d’enfants dans 68 pays.5 L’investissement en infrastructures, le renforcement des capacités du professionnel de la santé et les innovations en santé qui ont accompagné les réponses au COVID-19 pourraient contribuer à élargir l’accès aux services essentiels. Pour que ces effets se concrétisent pleinement, les pays devraient davantage chercher à améliorer leurs systèmes d’alerte précoce pour faire le suivi de l’accès aux services essentiels, ainsi qu’à élaborer des plans d’urgence pour garantir l’accès à ces services.
Les plans d’intervention en cas de pandémie devraient être constamment réexaminés et financés afin de garantir une meilleure surveillance des maladies, des tests, la modernisation des infrastructures de santé publique, le renforcement des capacités, la production de preuves, la sensibilisation du public et une réponse décentralisée. Le véritable renforcement des systèmes de santé nécessite que le pays mette en place des mécanismes de financement efficaces, notamment des systèmes de gestion des finances publiques efficaces, capables de soutenir la prestation de services de santé de qualité. Nous devons transformer ces crises en occasions de renforcer les systèmes existants, d’apprendre, d’innover et d’améliorer la transparence ainsi que la bonne gouvernance. L’optimisation des ressources devrait être à la base de l’allocation des ressources dans tous les contextes où les ressources sont limitées. Elle devrait faire partie intégrante des processus de planification, de suivi et d’évaluation. Il est également nécessaire de renforcer la capacité de production et d’utilisation des preuves ; d’impliquer le personnel de première ligne dans la riposte et de veiller à ce que les ressources leur parviennent ; de mettre en place des cadres d’achat transparents qui précisent les rôles, les relations et les attentes.
Références
- African Union Heads of State (2001) ‘Abuja declaration on HIV/AIDS, tuberculosis and other infectious diseases and plan of action’, African summit on HIV/AIDS tuberculosis and other infectious diseases, 24–27 April OAU, Addis Ababa, at http://www.un.or/ga/aids/pdf/abuja_declaration.pdf
- World Bank 2020 World Bank Group Supports Ghana’s COVID-19 Response https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2020/04/02/world-bank-group-supports-ghanas-covid-19-response.
- Fazeer Rahim, Richard Allen, Hélène Barroy, Laura Gores and Joseph Kutzin. (2020) COVID-19 Funds in Response to the Pandemic &uri=https%3A%2F%2Fblog-pfm.imf.org%2Fpfmblog%2F2020%2F08%2F-covid-19-funds-in-response-to-the-pandemic-.html” class=”first”>Email this
- Barroy, H., D. Wang, C. Pescetto, and J. Kutzin. 2020. “How to Budget for COVID-19 Response? A Rapid Scan of Budgetary Mechanisms in Highly Affected Countries.” World Health Organization, Geneva.
- World Health Organization. Guiding principles for immunization activities during the COVID-19 pandemic [Internet]. [cité le 16 septembre 2020]. Disponible sur: World Health Organization; 2020. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/331590/WHO-2019-nCoV-immunization_services-2020.1-eng.pdf.
Dr. Ama Pokuaa Fenny est chargée de recherche à l’Institut de recherche statistique, sociale et économique (ISSER) de l’Université du Ghana. Elle a mené des recherches et publié dans le domaine du développement en économie institutionnelle et de la santé. Ses domaines de recherche actuels sont notamment le financement de la santé, la recherche des soins de santé, l’intégration des politiques gouvernementales dans les systèmes de prestation de services en Afrique, la protection sociale et l’analyse comparative entre les sexes.