Par Dr Otieno Osoro, Maître de conférences à l’université de Dar es Salaam, Département d’économie.
En Tanzanie, la pandémie de la COVID-19 a été considérée comme une urgence nationale, qui nécessitait une riposte urgente et efficace. Cette pandémie a entraîné un besoin urgent d’une riposte coordonnée pour répondre aux besoins de la pandémie puisqu’elle touche de nombreux secteurs dans le pays. C’est pourquoi la Tanzanie a mis en place une structure de gouvernance pour la riposte à la COVID-19, dont le pivot est la coordination, afin de faciliter la prise rapide des décisions nécessaires tout au long de la pandémie.
Structure de gouvernance
Le gouvernement tanzanien a formé trois comités chargés de mener la lutte contre la pandémie de la COVID-19. Le premier comité était le Groupe de travail national dirigé par le Premier ministre et composé du ministre de la Santé, ainsi que des ministres d’autres ministères concernés et du principal porte-parole du gouvernement. Le second comité était le Comité des secrétaires permanents dirigé par le Secrétaire général et composé de secrétaires permanents des ministères concernés, qui ont joué un rôle consultatif au sein du Groupe de travail national. Le troisième comité était le comité technique qui était chargé de fournir des conseils techniques au comité des secrétaires permanents.
Le Comité technique était dirigé par le Secrétaire permanent, Ministère de la santé, du développement communautaire, du genre, des personnes âgées et des enfants, qui a délégué cette autorité au médecin-chef. Le Comité technique était composé de 11 sous-comités, dont les suivants : opérations, finances et administration, planification, logistique, gestion des cas, surveillance, tests, points d’entrée, éducation sanitaire, eau, assainissement et hygiène (WASH) et recherche. Ces sous-comités ont travaillé en étroite collaboration avec les comités régionaux et de district de gestion des catastrophes afin de maintenir une riposte bien coordonnée du niveau national au niveau du district. La Fig.1montre le cadre de coordination de la riposte à la COVID-19.
Fig.1 : Cadre de coordination de la riposte à la COVID-19
Les trois comités ont été mis en place pour faciliter à la fois la coordination de la riposte à la COVID-19 et la prise de décision et la mise en œuvre rapides nécessaires pour endiguer la pandémie. Ces comités ont essentiellement formé une boucle de décision allant du niveau du district au Groupe de travail national, qui était l’entité décisionnelle ultime de la riposte à la COVID-19. La boucle de communication a réuni l’aspect opérationnel de la riposte (comité technique) et le niveau politique (Groupe de travail national et Comité des secrétaires permanents) afin d’accélérer la prise de décision, la planification et la mise en œuvre, ce qui aurait été impossible dans des circonstances normales.
Structure de gouvernance et Achats stratégiques
L’ajustement des processus de la chaîne d’approvisionnement et d’achat a été le rôle principal de la structure de gouvernance. Cet ajustement a été nécessaire pour faciliter la flexibilité des achats et l’approvisionnement en médicaments et fournitures essentiels qui étaient initialement ralentis par la bureaucratie des procédures normales.
Ces ajustements ont nécessité une véritable évolution des mentalités et l’adoption de nouvelles idées qui ont amené le ministère de la santé, du développement communautaire, du genre, des personnes âgées et des enfants à introduire et à faciliter la formation des pharmaciens, des agents de santé, des laborantins, des fonctionnaires médicaux et cliniciens et des secrétaires de santé en matière d’achat, de la distribution et du stockage des produits curatifs et préventifs.
En plus de la formation, un soutien adéquat a été fourni pour actualiser l’application de la formation afin de répondre de manière adéquate aux exigences particulières de la riposte à la pandémie. Les processus d’achat et de distribution qui étaient auparavant décentralisés ont été centralisés, le ministère de la santé, du développement communautaire, du genre, des personnes âgées et des enfants se chargeant des achats sur la base des décisions prises par le Groupe de travail national. De même, les décisions d’achat ont été prises sur la base des conseils techniques du Comité des secrétaires permanents et du Comité technique. La Direction centrale des achats a coordonné les achats et a évité le gaspillage en faisant correspondre les besoins aux fournitures disponibles. Bien que les achats décentralisés puissent également correspondre aux besoins et aux fournitures disponibles, ils peuvent parfois ne pas répondre de manière adéquate aux exigences d’une pandémie, dont les demandes tendent à être plus nationales que locales, d’où la justification des achats centralisés. Le mécanisme de coordination bien coordonné a permis de s’assurer que les achats centralisés ne posent pas de sérieux problèmes de bureaucratie pendant la pandémie. Les achats centralisés ont été effectués dans le cadre des lois existantes sur la gestion des finances publiques, à la différence près que ces achats ont permis de réduire les délais en éliminant les différents niveaux décentralisés qui devaient être approuvés..
Par l’intermédiaire de ses sous-comités, le Comité technique a servi de courroie de transmission où la demande, les mécanismes d’approvisionnement et la distribution se sont rencontrés et y sont parvenus grâce à la coordination des besoins d’approvisionnement, à la réception et à la validation des demandes, à l’examen des demandes par rapport à la disponibilité, à la confirmation des demandes et des achats et à l’engagement des fournitures pour la distribution. La réponse aux besoins a été agrégée au niveau du district, de la région et du pays par le biais de prévisions de la demande de médicaments, d’équipements et de fournitures, basées sur les apports des fournisseurs aux différents niveaux opérationnels. Les apports ont été basés sur les besoins locaux, la capacité d’absorption et les lacunes dans les besoins d’approvisionnement non couverts. La prévision de la demande a ensuite été soumise au Comité des secrétaires permanents qui l’a ensuite présentée au Groupe de travail national pour approbation. Comme les trois comités étaient étroitement intégrés et qu’ils ont été créés pour améliorer la coordination des interventions, la prise de décision a été plus rapide, ce qui n’aurait pas été possible avec une passation de marché décentralisée, qui comporte de multiples procédures d’approbation. Ces procédures d’approbation multiples ont tendance à prendre du temps et sont donc incompatibles avec l’urgence des demandes d’achat en cas de pandémie.
L’impact de la structure de gouvernance sur la passation des marchés
La centralisation des approvisionnements était basée sur des prévisions de la demande plus souples émanant des fournisseurs pour décider des achats, plutôt que sur le budget annuel normal et les cycles de planification qui n’avaient pas la souplesse nécessaire pour faire face à des situations d’urgence comme celle de la COVID-19. La perspective de coordination de la structure de gouvernance à trois comités offrait une prise de décision rapide et une flexibilité qui n’auraient pas pu être obtenues par une budgétisation, une planification et une mise en œuvre décentralisées qui devaient passer par différents niveaux d’examen et d’approbation. Les trois niveaux de comités ont offert la coordination nécessaire pour une passation de marchés centralisée répondant aux besoins réels sur le terrain, c’est-à-dire un processus décisionnel central dirigé de la base vers le sommet et intégrant les besoins de l’ensemble du pays. Bien que les membres des gouvernements locaux n’aient été inclus dans aucun des comités, les gouvernements locaux ont fourni des contributions aux sous-comités du Comité technique.
La distribution est un élément essentiel pour garantir que les produits sont fournis et utilisés efficacement dans la prestation de services. La distribution des médicaments, des équipements et des matériels achetés au niveau central a également été gérée de manière centralisée afin d’accélérer le processus. La distribution centralisée des produits achetés a été rationalisée et a impliqué la planification de la livraison, l’organisation du transport vers les médecins régionaux qui livrent aux fournisseurs, l’information des demandeurs et la confirmation de la réception des produits.
Outre la coordination de l’achat et de la distribution des produits essentiels, le Groupe de travail national a également répondu à d’autres produits nécessaires à la COVID-19 qui étaient très demandés dans les premiers jours de la pandémie, tels que des masques, des désinfectants pour les mains et des seaux à eau. L’augmentation de la demande a entraîné une hausse importante du prix de ces produits, ce qui a nécessité l’intervention du Groupe de travail national. Ce Groupe de travail a accéléré l’autorisation des fabricants locaux (grands, moyens et petits) à fabriquer ces produits, augmentant ainsi leur offre, ce qui a entraîné des réductions de prix qui ont rendu ces produits plus abordables pour les gens ordinaires.
Principal enseignement tire pour la Tanzanie Le principal enseignement que la Tanzanie offre sur la coordination de la riposte à la COVID-19 est qu’un cadre de coordination qui intègre les principaux niveaux opérationnels et décisionnels offre la souplesse et la détermination nécessaires pour riposter efficacement à une pandémie. Pour ce faire, le Premier ministre de la République Unie de Tanzanie a dirigé le Groupe de travail national qui était l’organe décisionnel ultime de la riposte à la COVID-19 en Tanzanie. Mis à part la gestion des catastrophes, le bureau du Premier ministre est également responsable de la coordination des affaires gouvernementales, ce qui implique que le cadre de coordination de la COVID-19 en Tanzanie a effectivement été capable d’intégrer les principaux niveaux opérationnels et décisionnels qui ont conduit à la flexibilité et à la prise de décision rapide nécessaires pendant une pandémie.
Le Dr Otieno Osoro est maître de conférences à l’École d’Économie de l’Université de Dar es Salaam. Il est spécialisé dans le financement de la santé et a beaucoup travaillé sur le financement direct, la planification et la budgétisation au niveau des structures de santé, et le suivi des ressources de santé. En outre, il a effectué diverses missions pour le ministère de la santé, du développement communautaire, du genre, des personnes âgées et des enfants, ainsi que pour des organisations internationales.